La danse soufie m’a ouvert les yeux sur une autre manière de concevoir la danse. Je me suis lancée dans le stage de danse soufie en août 2015 en ayant assez peu d’expérience de la danse et jusque là. Danser revenait surtout, dans la façon dont je me représentais l’acte de danser, à produire un effet esthétique. Sans m’en rendre compte, j’associais la danse au domaine du profane et de l’apparence et, même si j’avais déjà entendu que la danse soufie présente un aspect plus spirituel, je ne savais pas concrètement comment le comprendre. Souvent, on danse pour réaliser de beaux mouvements, et souvent dans un cadre où la séduction a un rôle à jouer, comme dans un bal ou une boîte de nuit.

Et plus spécifiquement lorsqu’il s’agit de danseurs professionnels qui dansent pour un public à l’occasion d’un spectacle, je me disais que la danse était avant tout le résultat d’une technique et d’un travail rigoureux. Or la danse soufie m’a permis de réaliser que danser, ce pouvait aussi être un langage, une manière de s’exprimer et d’extérioriser ce qui nous habite. Le travail, la technique et la rigueur n’en sont pas moins présents, mais ils ne suffisent pas. Tel que je l’ai ressenti, ils sont simplement au service de la danse, cependant ce qui permet à la danse soufie d’être ce qu’elle est réside plutôt dans une attitude d’écoute et d’ouverture qui intervient quand on rentre dans le samâ. Du profane, on passe alors au sacré ; de l’apparence, à l’intériorité et au ressenti. La danse soufie a donc changé ma vision de la danse.

Or j’ai pu remarquer aussi, en parlant de la danse soufie autour de moi, que de nombreuses personnes s’en font une représentation selon moi erronée. Le mot « transe » associée à la danse soufie, en donne une image qui ne correspond à ce que j’en ai expérimenté. Avec ce mot, on s’imagine que la danse soufie rime avec délire, état de possession ou recherche de sensations fortes. En fait la danse soufie pour moi rime simplement avec la joie de danser!

Durant le stage, nous avons appris que tourner sur soi-même, comme une toupie, était en fait un mouvement universel, que l’on retrouve dans de nombreuses traditions, bien avant que le soufisme ne fasse son apparition en tant que tel. C’est aussi le mouvement que font spontanément les enfants quand on leur demande de tourner, et les danses en cercle sont également très anciennes. Peut-être cette joie de danser en tournant sur soi-même et parfois aussi en cercle s’explique-t-elle simplement par la spontanéité de ces mouvements ? Leur présence à la fois dans d’anciennes traditions et, de façon plus désordonnée, dans les mouvements que font les enfants, montrent peut-être à quel point ces geste sont inscrits en nous, comme ils sont « naturels ». Et il m’a semblé que l’aspect spirituel de la danse soufie vient justement de ce retour à la spontanéité, au naturel et à la joie d’un enfant qui se met à danser. Il ne s’agit pas de spiritualité au sens d’un ésotérisme hermétique, mais au sens de la simplicité et de la joie. Mais cela n’exclut pas le travail technique au sein d’une recherche d’équilibre constante : la spontanéité n’est pas le chaos et la confusion, elle s’épanouit justement parce qu’elle s’appuie sur des bases solides. Apprendre l’équilibre dans le mouvement devient donc essentiel pour pousser au plus loin l’expérience de la danse du tour.

Pour conclure ce petit témoignage, je dirais que la danse soufie m’a permis, grâce à un langage nouveau pour moi, d’extérioriser un ressenti que je n’ai pas toujours l’occasion de mettre en avant, tout en harmonie avec les personnes et l’atmosphère ambiante. Et si je devais définir mon expérience de la danse soufie en quelques mots très brefs, j’utiliserais ceux-ci : écoute de soi, écoute des autres.

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